Le départ d’un salarié clé d’une entreprise est toujours un moment délicat, a fortiori dans une startup. Le dirigeant doit être d’autant plus attentif lorsque le salarié quitte l’entreprise pour lancer une entreprise concurrente.
Nous rappellerons ici le régime applicable en l’absence de clause de non-concurrence.
La liberté d’entreprendre permet au salarié de créer une entreprise concurrente
La liberté d’entreprendre est un principe général ayant une valeur constitutionnelle (Cons. const. 16 janv. 1982, n° 81-132 DC). Elle implique le droit de créer et d’exercer librement une activité économique dans le domaine de son choix et selon les modalités que l’on définit.
En application de ce principe et sous réserve de ne pas contrarier l’article 1240 du code civil (Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.), sur lequel est fondé le principe de concurrence déloyale, toute personne est libre de constituer une société et ce, même si elle a travaillé au sein d’une entreprise concurrente.
Si des restrictions contractuelles ou légales peuvent être prévues, elles ne doivent pas être disproportionnées par rapport au but poursuivi.
La Cour de cassation rappelle opportunément les limites du principe de liberté d’entreprendre
Par un arrêt du 7 décembre 2022 (Cass. com., 7 décembre 2022, 21-19.860), la Cour de cassation a rappelé dans deux attendus de principe extrêmement clairs les deux principales interdictions faites à l’ancien salarié, de nature à caractériser des actes de concurrence déloyale et à engager sa responsabilité
- Constitue un acte de concurrence déloyale le fait, pour une société à la création de laquelle a participé le salarié d’une société concurrente, de débuter son activité avant le terme du contrat de travail liant ceux-ci.
Même en l’absence de clause expresse insérée dans son contrat de travail, le salarié est tenu par une obligation de non-concurrence vis-à-vis de son employeur jusqu’à l’expiration de son contrat.
Cette obligation s’applique pendant l’exécution effective du contrat de travail mais également lors de sa suspension pour toute cause (congé sabbatique, congé pour création d’entreprise…).
Ainsi, si le salarié, en l’absence de clause d’exclusivité, demeure libre de créer une société dans le même secteur d’activité que son employeur, celle-ci ne doit pas faire peser un risque de détournement de la clientèle de l’employeur vers l’entreprise créée par le salarié.
Dans le cas contraire, un licenciement pour faute grave pourra être envisagé à l’encontre du salarié (Cass. soc, 30 novembre 2017, n° 16-14.541), ainsi qu’une procédure en concurrence déloyale.
- Le seul fait, pour une société à la création de laquelle a participé l’ancien salarié d’un concurrent, de détenir des informations confidentielles relatives à l’activité de ce dernier et obtenues par ce salarié pendant l’exécution de son contrat de travail, constitue un acte de concurrence déloyale.
Le secret des affaires est également de nature à tempérer la liberté d’entreprendre. Ainsi, un ancien salarié ne peut partager et/ou utiliser des informations confidentielles acquises chez son ancien employeur pour développer sa propre activité ou celle du concurrent qu’il rejoint.
Ainsi et par exemple, pourrait être condamné au paiement de dommages et intérêts un ancien salarié utilisant un algorithme ou un logiciel développé par son ancien employeur (CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 19 mars 2021, n°19/17493) ou les données d’un fichier client appartenant à celui-ci (Cass. Com. 13 septembre 2017, n°15-24.705).
Ces exemples et actes constitutifs de concurrence déloyale ne sont naturellement pas exhaustifs mais sont les hypothèses les plus courantes en cas de création d’une société concurrente par un salarié.
Les avocats du cabinet pourront vous accompagner pour effectuer une analyse spécifique des risques existants au sein de votre entreprise et déterminer les actions à mettre en place pour vous protéger en cas de comportement préjudiciable de vos salariés et concurrents.