Clauses de bad leaver et actionnariat salarié : les juges veillent

3 février 2023 | Actualités

Toute personne ayant négocié un pacte d’actionnaires est nécessairement familière avec la clause de bad leaver (départ fautif) ou clause de cession forcée.

Cette clause tend notamment à sanctionner un comportement considéré comme fautif d’un actionnaire par un mécanisme de rachat de ses actions par les autres associés ou la société elle-même à un prix inférieur à leur prix sur le marché.

Elle peut également avoir pour objectif d’éviter le départ prématuré d’un ou plusieurs membres clés de la société (fondateurs, associés opérationnels, dirigeants, associés-salariés).

La clause définit précisément les comportements prohibés et les évènements de nature à déclencher son application, les modalités d’application de la décote et la durée pendant laquelle la clause s’appliquera.

En cas d’actionnariat salarié, la clause de bad leaver ne doit pas constituer une sanction pécuniaire prohibée par l’article L1331-2 du Code du travail. C’est notamment le cas lorsque la clause de bad leaver ne s’applique qu’en cas de licenciement disciplinaire.

Ainsi, un actionnaire-salarié ne pourra être tenu de céder ses actions à un prix décoté à titre de sanction pour une faute commise à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail. La clause de cession forcée devra encadrer le comportement de l’actionnaire au titre de sa qualité d’investisseur.

La sanction en cas de requalification de la clause est la reconnaissance du caractère réputé non écrit de celle-ci et l’impossibilité d’imposer au salarié sortant la cession de ses actions. Celui-ci pourra dès lors se maintenir au capital de la société ou exiger le rachat de ses titres au prix du marché. Une amende peut également être prononcée à l’encontre de la société.

Des précautions doivent donc être prises quant à la rédaction de ce type de clause :

  • La clause de bad leaver ne doit pas viser exclusivement le cas d’un licenciement pour faute. Elle sera toutefois licite si elle vise toutes les hypothèses de perte de la qualité de salarié et notamment tout licenciement autre que disciplinaire (Cass. soc., 7 juin 2016, n° 14-17.978) ;
  • La clause peut intégrer des violations du pacte d’actionnaires ou des statuts, notamment les obligations d’exclusivité, de non-concurrence, d’implication, de propriété intellectuelle… (CA Paris, 21 octobre 2021, n° 18/21284) ;
  • La clause peut limiter ses bénéficiaires aux seuls autres actionnaires en excluant la société employeur et/ou ses dirigeants (CA Paris, 12 mai 2022, n° 20/05597).

La mise en place d’une clause de bad leaver spécifique pour les actionnaires salariés peut se faire notamment par le biais d’un « mini-pacte » signé lors de l’instauration du plan de BSPCE ou d’attribution gratuite d’actions, n’hésitez pas à en parler avec vos associés et votre avocat !