Dans quels cas est due l’indemnité de rupture de l’agent commercial ?
L’article L. 134-12 du Code de commerce pose le principe d’un droit à indemnité au bénéfice de l’agent commercial qui supporte involontairement une rupture de son contrat de travail. Cet article est d’ordre public et il n’est donc pas possible d’y déroger contractuellement. Toute clause contraire serait en effet réputée non écrite, qu’elle soit intégrée dans le contrat d’agent commercial ou dans un acte séparé (Cass.com., 21 octobre 2014, n° 13-18370).
L’indemnité de rupture sera ainsi versée en cas de survenance du terme du contrat à durée déterminée, de rupture du contrat du fait du mandant et de la cessation des effets du contrat du fait du décès ou de l’inaptitude physique de l’agent commercial personne physique.
Cette indemnité a pour objet de compenser la perte de la clientèle commune constituée par le travail de l’agent commercial et est en général égale à deux années de rémunération brute de l’agent commercial calculée sur la base des commissions de l’agent commercial des deux ou trois dernières années avant la cessation du contrat.
Le paiement d’une indemnité par le mandant est toutefois exclu dans trois cas limitativement énumérés par l’article L. 134-13 du Code de commerce :
- la cessation du contrat intervient suite à une faute grave de l’agent commercial
- la cessation du contrat intervient à l’initiative de l’agent commercial
- l’agent commercial cède son contrat à un autre agent commercial
Le récent revirement de jurisprudence applicable en cas de faute grave de l’agent commercial découverte après la rupture
Comme vu précédemment, en cas de faute grave de l’agent commercial, celui-ci est privé d’indemnité.
La Cour de cassation jugeait jusqu’à présent que cette règle s’appliquait tant en cas d’indication de la faute grave dans la notification de résiliation elle-même mais également en cas de découverte et régularisation par le mandant postérieurement à cette résiliation.
Cette solution vient d’être abandonnée dans un arrêt récent du 16 novembre 2022.
La question soumise aux juges était la suivante : un manquement grave, constaté postérieurement à la résiliation et donc non invoqué dans la lettre de résiliation peut-il priver l’agent commercial de son indemnité de rupture ?
La réponse est claire et elle est négative ! En opérant ce revirement de jurisprudence, les juges français s’alignent sur la Cour de Justice de l’Union Européenne qui, depuis un arrêt de 2010, considère que « l’agent commercial ne peut pas être privé de son droit à indemnité en vertu de cette disposition (article 18 a) de la Directive susmentionnée) lorsque le commettant établit, après lui avoir notifié la résiliation du contrat moyennant préavis, l’existence d’un manquement de cet agent qui était de nature à justifier une résiliation sans délai de ce contrat ».
Le mandant est donc tenu d’exposer la faute grave de l’agent commercial dès l’envoi de la notification de résiliation du contrat. A défaut l’agent conserve son droit à l’indemnité de fin de contrat qui pourra toutefois être minorée.