Confirmant les rumeurs qui courraient depuis plusieurs mois, Facebook a annoncé le lancement d’une nouvelle monnaie virtuelle, la Libra, par la publication d’un livre blanc en décrivant le régime.
Cette cryptomonnaie décentralisée, attendue pour le premier semestre 2020, tend à faire sortir les monnaies virtuelles des cercles spéculatifs pour les ancrer dans l’économie réelle, en permettant aux utilisateurs d’acheter des biens et services, sur internet ou non, et de réaliser des transactions instantanées notamment via Messenger ou WhatsApp, aussi facilement qu’on envoie une photographie.
Autre différence essentielle avec le bitcoin avancée par Facebook est la stabilité de la monnaie. En effet, si la devise reposera également sur l’utilisation de la blockchain, la cryptomonnaie de Facebook ne devrait pas fluctuer selon l’offre et la demande mais être adossée à un panier de devises réelles censé en garantir le cours.
Pour mémoire, le droit français est encore très imprécis sur le régime des cryptomonnaie qu’il ne qualifie ni de monnaies électroniques[1], ni de moyens de paiement[2].
La Banque de France définit les monnaies virtuelles comme un « actif virtuel stocké sur un support électronique permettant à une communauté d’utilisateurs l’acceptant en paiement de réaliser des transactions sans avoir à recourir à la monnaie légale »[3].
De son côté, TRACFIN présente la cryptomonnaie comme « une unité de compte stockée sur un support électronique, créée, non pas par un État, ou une union monétaire, mais par un groupe de personnes (physiques ou morales) et destinée à comptabiliser les échanges multilatéraux de biens ou de services au sein de ce groupe. »[4]. Un tel système de monnaie virtuelle peut être fermé (sans convertibilité avec la monnaie ayant cours légal) ou ouvert (avec possibilité de convertir la monnaie virtuelle en monnaie ayant cours légal).
Enfin, la Cour de justice de l’Union européenne appelé à se prononcer sur le bitcoin a considéré, dans un arrêt du 22 octobre 2015[5], qu’une devise virtuelle pouvait être définie comme un type de monnaie numérique non réglementée, émise et vérifiée par ses développeurs et acceptée par les membres d’une communauté virtuelle spécifique.
Malgré l’imprécision de la définition, un encadrement spécifique a été institué pour les commerçants de monnaies virtuelles établis en France puisque la Banque de France et l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) ont exigé des intermédiaires proposant d’échanger des monnaies virtuelles contre des monnaies à cours légal, qu’ils soient soumis au statut de prestataire de services de paiement[6].
Dans ce contexte et sans surprise, Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie et des Finances a déjà déclaré concernant la Libra qu’il faudra mettre en place des “garanties”, pour que “cet instrument de transaction ne puisse pas être détourné, par exemple pour du financement du terrorisme ou d’activités illicites”.
[1] L’article L. 315‑1 du code monétaire et financier transposant l’article 2.2 de la directive 2009/110/CE, définit la monnaie électronique comme une « valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement telles que définies à l’article L. 133-3 et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique. ».
[2] Selon L’article L. 111‑1 du code monétaire et financier, la seule monnaie ayant cours légal en France est l’euro. Les monnaies virtuelles ne peuvent pas être qualifiées en France de monnaie ayant cours légal et il est de ce fait possible de les refuser en paiement sans contrevenir aux dispositions de l’article R. 642‑3 du code pénal, qui sanctionne le refus d’accepter les billets et les pièces libellés en euros ayant cours légal.
[3] Focus n°16 du 5 mars 2018 « L’émergence du bitcoin et autres crypto-actifs : enjeux, risques et perspectives » – Banque de France.
[4] Rapport du groupe de travail « Monnaies virtuelles » piloté par TRACFIN – juin 2014
[5] CJUE, 22 octobre 2015, aff. C-264/14, Skatterverket c/ David Hedqvist).
[6] La cour d’appel de Paris s’était prononcée dans le même sens :CA Paris, 26 septembre 2013, n°12/00161, Macaraja c/ CIC.