La question demeurait pendante depuis les confinements et les mesures générales d’interdiction de recevoir du public qui avaient été prises pour limiter la propagation du Covid 19, la Cour de cassation a finalement tranché en faveur des bailleurs.
Pour mémoire, suite à l’annonce de l’état d’urgence sanitaire déclaré le 23 mars 2020 et de l’interdiction de quitter son domicile sauf exceptions, de nombreux commerçants ont décidé de suspendre le paiement de leur loyer.
De l’avis des locataires, cette décision était motivée par la force majeure et la perte d’usage du bien loué, à l’appui notamment l’annonce du Président Macron de la suspension des loyers des baux commerciaux pour les plus petites entreprises.
Depuis, de nombreux contentieux opposaient bailleurs et locataires sur le paiements des loyers suspendus échus pendant la pandémie.
Des décisions peu homogènes étaient rendues par les Tribunaux de première instance et les Cours d’appel, qui semblaient retenir une approche très casuistique du sujet et trancher pour partie en équite.
Une tendance à retenir l’obligation de paiement était toutefois à relever.
La Cour de cassation, saisie d’une trentaine de pourvois, a tranché le 30 juin dernier en retenant une application stricte du droit commun des contrats (arrêts n°21-19.889 ; n° 21-20.127 ; n° 21-20.190) : les mesures prises par les autorités publiques n’entraînent pas la perte de la chose louée, ne relèvent pas d’une situation de force majeure et ne sont pas constitutives d’une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance. Dès lors, un locataire n’est pas fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers.
Détail des arguments :
- Sur la perte de la chose louée
Selon l’article 1722 du code civil, un locataire peut demander la baisse du prix du bail ou sa résiliation s’il a perdu la chose qu’il loue dans des circonstances fortuites.
La Cour de cassation répond clairement à l’argument : l’interdiction de recevoir du public en période de crise sanitaire ne pouvait être assimilée à une perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du code civil car elle :
- était générale et temporaire ;
- avait pour seul objectif de préserver la santé publique ;
- était sans lien direct avec la destination du local loué telle que prévue par le contrat.
A ce titre, les commerçants ne pouvaient ni demander une résiliation du bail ni une réduction de loyer.
- Sur la force majeure
En matière contractuelle, il y a force majeure lorsqu’un événement échappe au contrôle du débiteur et l’empêche d’exécuter son obligation (article 1218 du code civil). Pour être qualifié comme tel, l’évènement doit avoir été imprévisible au moment de la signature du contrat, extérieur aux parties et dont les effets ne pouvaient être évités par des mesures appropriées.
Estimant que le locataire n’était pas dans l’impossibilité d’exécuter son obligation de payer le loyer, le créancier qui n’a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure.
- Sur l’inexécution de ses obligations par le bailleur
L’obligation principale du bailleur est de délivrer la chose louée à son locataire et de lui en garantir la jouissance paisible, conformément à sa destination contractuelle.
La mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est pas constitutive d’une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance mais d’une décision d’un tiers au contrat.
Dès lors, la Cour de cassation a considéré que les commerçants ne pouvaient se prévaloir du mécanisme de l’exception d’inexécution pour suspendre le paiement de leurs loyers.